EXCLUSIF. Les auteurs d’un rapport sénatorial s’alarment de la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées.
Revue de détail de leurs propositions.
Ils ont participé
aux maraudes de rue de l’association du Bus des femmes, entendu quarante
personnes, voyagé en Italie et en Belgique… Après neuf mois de travail, les
sénateurs Chantal Jouanno (UMP) et Jean-Pierre Godefroy (PS) appellent à «
changer le regard » sur la prostitution. Publié ce matin après avoir été adopté
à l’unanimité en commission, leur rapport, que nous révélons en exclusivité,
lance un cri d’alarme sur « la situation sanitaire et sociale des personnes
prostituées »
Et propose un
éventail de mesures très concrètes pour faciliter leur accès aux soins et aux
droits. L’objectif : les aider et les inciter à trouver « une voie de sortie ».
« Notre choix a
été de ne pas traiter des questions légales (NDLR : racolage, pénalisation du
client), qui divisent, afin d’aboutir à des propositions applicables quelles
que soient les évolutions législatives ultérieures », souligne Chantal Jouanno.
« Le sort de 20000 à 40000 personnes, dont la grande majorité est esclave de
réseaux de traite, ne peut laisser indifférent », martèle Jean-Pierre Godefroy.
Précarité et
vulnérabilité
Qu’elles exercent
dans la rue ou sur Internet, qu’elles soient indépendantes (« traditionnelles
») ou étrangères victimes des réseaux de traite, les personnes prostituées
souffrent d’un état de santé « très préoccupant », constate le rapport. Aux
risques liés à leur activité (exposition au VIH, aux IST, troubles
gynécologiques…) s’ajoutent ceux résultant de conditions de vie précaires
(addictions, troubles psychiques…). Très exposées aux violences, souvent en
difficulté de logement, elles voient leur accès aux droits sociaux et aux soins
freinées par « la stigmatisation » dont elles sont l’objet. « Inverser le
regard, c’est les considérer comme de présumées victimes et non plus comme de
présumées coupables », insistent les sénateurs, citant en exemple la médiation
en œuvre à l’hôpital Ambroise-Paré de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine).
Le modèle italien
Toute personne
prostituée souhaitant arrêter doit donc bénéficier d’un « accompagnement social
global », estiment les sénateurs. Il comporterait, notamment, des remises
fiscales gracieuses, des aides financières de soutien à la réinsertion, des
accès prioritaires à l’hébergement d’urgence et au logement social. Quant aux
victimes des réseaux, il s’agirait de transposer « le modèle de la politique
d’insertion » conduite en Italie. « Là-bas, la lutte contre la traite est
assimilée à la lutte antimafia, et les victimes protégées dès leur sortie, un
peu à la façon des repentis », expliquent-ils. Délivrance de titres de séjour
sans condition de dénonciation des proxénètes, créations de « maisons de fuite
» ou redistribution à leur profit des saisies de l’argent du crime… Ces
dispositions « gêneraient les trafiquants », estiment les sénateurs.
Le client, cet
inconnu
Le rapport
Jouanno-Godefroy ne se prononce pas sur la question de la pénalisation des
clients de la prostitution, objet par ailleurs d’une proposition de loi à
l’Assemblée. Mais il souligne leur responsabilité à plusieurs reprises. Sur le
plan sanitaire, avec « l’augmentation, ces dernières années, des demandes de
rapports sexuels non protégées », une tendance inquiétante constatée par les
associations de terrain. Quant aux violences subies par les prostituées, ils
sont parmi les principaux auteurs. Or « on ne sait rien des clients »,
soulignent les sénateurs, sinon qu’un homme sur quatre de plus de 50 ans dit
avoir eu un rapport sexuel payant dans sa vie. « Il faut encourager les travaux
de recherche », recommandent-ils.
« Situation
sanitaire et sociale des personnes prostituées : inverser le regard ».
www.senat.fr.
Sources : Le Parisien
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