"Réac", "déshonorant" voire "raciste", le choix des sénateurs de rétablir le délit de racolage et de supprimer la pénalisation des clients, en contradiction avec la version initiale de la proposition de loi sur la prostitution, a suscité mardi l'indignation du gouvernement et de nombreuses associations.
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Tous espèrent désormais une nouvelle mouture à l'Assemblée nationale.
Dans la nuit de lundi à mardi, le Sénat, à
droite depuis septembre, a adopté le texte, profondément modifié par
rapport à celui que les députés avaient voté en décembre 2013. La
proposition initiale prévoyait d'abroger le délit de racolage instauré
par Nicolas Sarkozy en 2003, et d'instaurer en contrepartie une
pénalisation des clients.
"Ce qui s'est passé cette nuit est
absolument incroyable et méprisant à l'égard des femmes", a déclaré
mardi la ministre des Affaires sociales Marisol Touraine, qui a trouvé
"invraisemblable et régressif" d'avoir "renoncé à la pénalisation des
clients" et d'avoir fait "des prostituées non pas des victimes mais des
coupables" en rétablissant le délit de racolage.
La ministre, également chargée des Droits
des femmes, a dit vouloir "clairement" réintroduire la pénalisation des
clients lors du retour du texte à l'Assemblée. En cas de désaccord entre
les deux chambres, les députés auront le dernier mot.
Le Parti socialiste a également déploré
"un texte régressif" du Sénat. "Loin d'apporter la moindre réponse aux
problèmes de la prostitution, il les renforce. Il montre un peu plus sa
déconnexion des enjeux de notre société actuelle."
Jugeant que les sénateurs étaient allés "à
rebours" de la tendance en Europe, le Haut Conseil à l'égalité entre
les hommes et femmes s'est néanmoins dit "confiant quant à l'adoption
finale d'une loi équilibrée et efficace".
Le Mouvement du Nid, association qui prône
l'abolition de la prostitution et avait ardemment défendu la version
initiale du texte, a critiqué un vote "réac, déshonorant et
irresponsable". "Le Sénat a choisi de protéger l'impunité complète des
clients et préfère encore pénaliser les personnes prostituées plutôt que
de remettre en cause ces hommes qui imposent un acte sexuel par
l'argent", a déploré Grégoire Théry, son secrétaire général.
"Sénat de France, honte sur toi", a
renchéri l'association masculine Zéromacho, qui milite pour l'égalité
homme-femme. "Tu as voté un texte qui ramène notre pays douze ans en
arrière, quand a été votée la loi Sarkozy créant le délit de +racolage
passif+", s'est insurgée l'association, parlant de "vote déshonorant".
Pour Osez le féminisme, ce vote a été
"l'occasion de faire tomber les masques": "le machisme continue à régner
dans la Chambre haute du pays".
A l'appel du Syndicat du travail sexuel
(Strass), qui défend lui le droit à la prostitution tout en s'opposant
au proxénétisme, une dizaines de prostituées ont manifesté près du Sénat
mardi, même si elles sont pour leur part opposées à la pénalisation des
clients.
"On est coincés entre la droite et la
gauche, entre deux formes de pénalisation, celle du racolage et celle du
client", a déploré Thierry Schaffauser, du Strass. Le délit de racolage
"ne sert à rien pour lutter contre le travail forcé, contre les
proxénètes. C'est un outil raciste, ça sert à arrêter les migrants",
a-t-il estimé, demandant plutôt "un texte pour les droits des
prostitués".
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