Le combat des transsexuelles
philippines
Elles sont
chanteuses, danseuses ou coiffeuses. Elles sont en général bien tolérées dans
la rue, mais souffrent de discriminations à l’embauche. Et l’Etat philippin
leur refuse toute reconnaissance légale, ainsi que toute protection juridique.
|
www.pari-t.com |
Les
transsexuelles représentent une vraie force de travail aux Philippines, et
commencent à s’émanciper. Mais elles font face à des institutions rigides
influencées par un clergé catholique très conservateur.
Aujourd’hui,
elles se battent pour le passage de la première loi contre les discriminations
sexuelles.
Rica Paras
incarne l’exemple d’une réussite professionnelle fulgurante. A 28 ans, cette
jolie femme est devenue l’une des consultantes les plus en vue de
Hewlett-Packard Philippines, et les formations techniques dispensées par cette
diplômée en mathématiques sont demandées aux quatre coins du monde : en Europe,
en Chine ou en Amérique du Sud, les compagnies multinationales s’arrachent son
expertise. Un parcours impressionnant. Surtout quand l’on sait que Rica est une
transsexuelle. Celle qui est née Richard Paras a toujours su qu’elle était «une
femme dans un corps d’homme», et dès l’âge de 16 ans, quand a quitté le foyer
familial, Rica a initié sa «transition», en se maquillant et en portant des
vêtements de femme.
« Quand je me
suis présentée aux premiers entretiens d’embauche, j’étais habillée ainsi,
raconte Rica, vêtue d’un élégant tailleur bleu qui lui arrive à mi-cuisses. Les
employeurs étaient déstabilisés, mais je leur ai expliqué mon histoire, et ce
que je pouvais apporter à leur entreprise. J’ai une très grande confiance en
moi, affirme Rica, et cela me permet d’affronter les attaques et les
discriminations».
Dans les rues de
Manille, il est courant de voir des hommes travestis en femmes, ou de belles
transsexuelles affirmées. Leurs talents artistiques ainsi que leur exubérance
en font des animateurs hors pair, très prisés par les cabarets de Manille ou
les émissions de télévision. Leur nombre est difficile à estimer, mais leur
importance demeure indéniable : selon un sondage réalisé par l’Université des
Philippines réalisé en 2002, 7,6% des jeunes de 15 à 24 ans ont exprimé le
désir de changer de sexe.
Il y a 7 siècles,
les Babaylan
Le
transsexualisme est très ancien aux Philippines : au 14e siècle, des hommes
travestis en femmes, appelés «Babaylan», étaient considérés comme des
demi-dieux, dont le rôle était d’apaiser le courroux des divinités.
Cependant, cette
position sociale privilégiée s’est effacée avec la colonisation espagnole de
l’archipel, entre le 15e et la fin du 19e siècle. L’Eglise catholique a imposé
une chape conservatrice sur ces «déviances». Et son clergé continue, à l’heure
actuelle, de tout faire pour empêcher l’émancipation des transsexuelles.
Sass Rogando
Sasot, une jeune et sobre transsexuelle, garde un traumatisme profond de son
éducation dans une école catholique pour garçons, où elle avait commencé à
porter des vêtements féminins : «Mes camarades m’avaient élu comme représentant
au conseil de classe, mais la direction s’y est opposée, car selon eux,
j’offrais une mauvaise image de l’école, raconte-t-elle. Puis après mon
baccalauréat, ils ont refusé que je me présente dans leur université. J’ai donc
interrompu mes études.»
Des cas
similaires de discrimination se retrouvent à l’heure de l’embauche : «Quand je
me suis présentée pour un travail en centre d’appels, le recruteur m’a dit
qu’ils n’employaient pas d’homosexuels comme moi, “avec des seins et des
boucles d’oreille“», témoigne Bemz Benedito.
Cette
transsexuelle ne s’est toutefois pas laissé faire : elle s’est nourrie de cette
expérience pour porter le combat aux portes du Parlement : elle fut en mai 2010
la première candidate transsexuelle du pays pour un poste de député. Cette
candidature, même infructueuse, est déjà une réussite pour son parti de défense
des droits des homo et transsexuels Ang Ladlad. Surtout que leur principale
revendication est à présent portée par un autre parti de gauche :
l’organisation Bayan Muna vient de déposer une proposition de loi contre les
discriminations sexuelles, qui offrirait enfin à toutes ces transsexuelles un
recours légal face à toutes ces humiliations.
Source : Les
voix du monde